J’ai découvert les bières Cantillon dans l’excellent bar Rouennais L’Underdogs.
Ils organisaient une contre-soirée de Saint-Valentin avec un fût d’Iris à la pression, puis l’année d’après avec un fût de Magic Lambic.
Étant tombé amoureux de ce style de bière (lambic) que je ne connaissais pas jusqu’alors, j’achetai à la cave de L’Underdogs les cuvées régulières, ainsi qu’une Fou’foune, une Vigneronne et une Saint Lamvinus.
N’ayant jamais été déçu par leurs cuvées et ayant eu de très bons retours d’amis qui avaient visités la brasserie, je me dis qu’il était temps d’y aller à mon tour.
Toujours en voyage avec mon père afin de fêter son anniversaire et après avoir visité la brasserie / gueuzerie 3 Fonteinen comme je le racontais dans cet article, nous prîmes la direction de Bruxelles.
Après avoir déposé nos affaires à l’hôtel, puis visiter le musée Magritte, nous fîmes une halte dans l’excellent bar Moeder Lambic Fontainas où nous dégustâmes une Carignan pour moi et une Fou’foune 2020 à la pression pour mon père.
De quoi se mettre en jambe avant la visite du lendemain à la brasserie !
À noter que quelques mois plus tôt, j’y avais dégusté avec un de mes meilleurs amis une Drogone et une Lou Pepe Kriek.
Notre soirée fut bien agréable grâce avec un temps digne d’un été indien.
Un bon plat de moules de Zeeland / frites, puis quelques délicieux cocktails chez les amis de Life Is Beautiful avant d’aller dormir.
Le lendemain, après une balade sur le thème de l’Art Nouveau et la visite de la maison Horta, nous arrivâmes dans le quartier d’Anderlecht à la brasserie Cantillon.
Notre hôte, passionnant et plein d’humour, commença par nous rappeler que l’histoire de la brasserie débute en 1900 avec Paul Cantillon jusqu’à nos jours avec la famille Van Roy-Cantillon.
C’est en 1978 que Jean-Pierre Van Roy (époux de Mme Claude Cantillon) eut l’idée de créer le musée Bruxellois de la Gueuze afin de dynamiser une activité qui devenait moribonde au point que Cantillon était devenue la dernière brasserie en fermentation spontanée de Bruxelles.
Jean-Pierre travaille en famille avec son fils Jean en tant que brasseur, ses filles Julie pour le site internet et Magalie pour la présidence du musée, ainsi que son petit-fils Florian (le fils de Jean) que j’ai rencontré notamment au salon Paris Beer Week en Juin 2019.
Le brassage a lieu chaque année de fin Octobre à début Avril et se déroule en trois étapes : empatage, ébullition et fermentation.
L’empatage dure deux heures et consiste à mélanger de l’eau, du malt d’orge belge Bio concassé au préalable et du froment cru non malté Bio afin de récupérer l’amidon et réaliser la saccharisation.
Les céréales sont stockées dans le grenier avec accès jusqu’au concasseur dans la salle d’ébullition.
Pour 10.000 litres d’eau chaude (de 45 jusqu’à 72 degrés), on mélange 1300 kg de céréales Bio (35% de froment cru non malté et 75% d’orge malté), puis on rince une seconde fois afin de récupérer le plus d’amidon possible.
Vient alors la phase d’ébullition durant laquelle on ajoute du houblon Hallertau suranné Bio d’origine allemand, mais cultivé en Belgique.
Celui-ci est riche en acide bêta bactériostatique et peu en acide alpha amèrisant.
L’eau utilisée est celle du réseau de la ville de Bruxelles que l’on va mettre dans une cuve une journée au préalable pour la chauffer avant de la transférer dans la cuve d’ébullition.
On va cuire le tout durant trois heures (25% d’évaporation), puis clarifier le houblon.
Cette phase d’ébullition se déroule dans 2 cuves à ébullition en cuivre achetées en 1937.
Avant 1937, la famille avait une activité d’assembleur de gueuzes.
Le moût est ensuite pompé dans une sorte de grand bac peu profond (le Koelschip) pour qu’il soit le plus en contact possible avec les levures présentes dans l’air ambiant afin d’être inoculé lorsqu’il aura refroidit et atteint une température avoisinant les 18-20 degrés.
Le moût va ensuite être transféré dans les chais de vieillissement où la fermentation va démarrer de manière spontanée quelques jours à quelques semaines après la mise en fût.
Les 2 chais de vieillissement présents chez Cantillon contiennent environ 1000 fûts pour la plupart de 400 litres (chêne et quelques uns de châtaignier) ayant contenus du vin (surtout français, mais aussi italien et espagnol), ainsi que des fûts ayant contenus des spiritueux comme du cognac, de l’armagnac et du brandy.
Le moût fermenté et vieilli en fût va prendre le nom de lambic et va vieillir d’un à trois ans avant d’être assemblé, devenant ainsi une gueuze.
Une des choses importantes lors du vieillissement est la maîtrise du taux de sucre résiduel.
90% du sucre présent dans le moût va être consommé par les levures lors de la 1ère année de vieillissement, les 10% restants étant consommés lors des 2 années suivantes.
Au bout de 3 ans de vieillissement, il n’y a donc plus de sucre résiduel dans les lambics.
Les bières sont ensuite filtrées grâce à un filtre à cellulose.
La prise de mousse va se faire de manière naturelle en bouteille.
Après la visite, c’est Jean-Pierre Van Roy qui nous fit déguster un lambic tout juste sorti du fût, puis la Gueuze Bio, la Kriek Bio et la Rosée de Gambrinus.
La gamme des bières Cantillon est vaste, composée de cuvées régulières, de cuvées plus rares incluant des cuvées en collaboration avec d’autres producteurs (de vin notamment).
Sur les 2500 hectolitres produits par an, 65% sont destinés à l’export.
On peut également citer des cuvées solidaires comme la « Magic Lambic » dont les fonds ont participé à sauver un des théâtres emblématiques de Bruxelles,
« La Vie Est Solidaire » pour l’association « Vendanges Solidaires »
ou encore des cuvées plus récentes pour aider notamment l’hôpital local face au Covid 19.
Loin d’être exhaustif, je vais vous détailler les cuvées les plus connues, les cuvées iconiques et celles que j’ai le plus appréciées.
Gueuze Bio : assemblage de lambics d’âges différents.
CREDIT PHOTO : ANTOINE FLICK
Kriek Bio : assemblage de cerises griottes entières (200g/l) et de lambics.
CREDIT PHOTO : QUENTIN DEROEUX
Rosé de Gambrinus : assemblage de framboises entières (200g/l) et de lambics.
CREDIT PHOTO : ANTOINE FLICK
Cuvée Saint-Gilloise : macération de houblon frais de type Hallertau Mittlefrüh dans un lambic de 2 ans d’âge.
Fou’foune : assemblage de lambics de 18 à 20 mois et d’abricot Bergeron.
Mamouche : macération de fleurs de sureau dans un lambic de 2 ans d’âge.
CREDIT PHOTO : MAT CARBO
Nath : assemblage de lambics de 1 et 2 ans d’âge et de rhubarbe.
CREDIT PHOTO : MAT CARBO
Iris : bière de fermentation spontanée produite uniquement à partir de malt Pale Ale.
CREDIT PHOTO : ANTOINE FLICK
Grand Cru Bruoscella : assemblage de lambics de trois ans d’une même saison permettant d’obtenir un millésime.
Vigneronne : assemblage de lambics de 16 à 18 mois et de grappes de raisin Muscat.
Saint Lamvinus : assemblage de lambics de 16 à 18 mois et de grappes de raisin Merlot.
Gueuze Lou Pepe : assemblage de lambics de 2 ans d’âge sélectionnés pour leur caractère et leur finesse.
Kriek Lou Pepe : assemblage de cerises Schaerbeek à raison de 300 g par litre avec un lambic de 2 ans d’âge.
Framboise Lou Pepe : assemblage de framboises à raison de 300 g par litre avec un lambic de 2 ans d’âge.
50N4E : assemblage de lambics de 3 ans d’âge vieilli en fûts de cognac ou d’armagnac ou de brandy selon les cuvées.
Brabantiæ : gueuze avec un finish en fût de Porto.
Lambic d’Aunis : macération de grappes de raisin Pineau d’Aunis, en collaboration avec les Vins Contés.
CREDIT PHOTO : ANTOINE FLICK
Divin Lambic : assemblage de lambics d’1 et 2 ans avec macération de grappes de raisin Grenache Noir.
La Vie Est Belge : assemblage de lambics de 2 ans d’âge vieilli en fûts de vin jaune.
Magic Lambic : Lou Pepe Framboise avec 80% de framboise, 20% de myrtille et de la vanille de Madagascar.
Loerik : assemblage de lambics d’un, deux et trois ans avec une refermentation lente en bouteille.
CREDIT PHOTO : MAT CARBO
Blåbær : collaboration avec Olbuttikken à Copenhague qui fournit des myrtilles qui vont macérer dans du lambic de et chez Cantillon avant d’être renvoyé pour une vente uniquement chez ce caviste.
Drogone : collaboration avec Cantina Guardino, assemblage de marc de raisin Agliancio et de lambics de 3 ans.
Avant l’assemblage, les grappes de raisin ont subi une macération pelliculaire durant 3 mois en fût de châtaignier.
Nuit Bruxelloise : assemblage de lambics de 2 et 3 ans et de grappes de raisin d’Alicante Teinturier du domaine Zelige-Caravent.
Citoyen Du Monde : assemblage de lambics de 2 ans avec des fruits de la passion.
CREDIT PHOTO : CASSIO S
Don Quijote : assemblage de lambic de 2008 et de Vitis Labrusca pour le Goblin Pub et le Livingstone Club de Florence.
CREDIT PHOTO : WILLIAM Y
Crianza Helena : assemblage de jeunes lambics et de lambics vieillis en fût de cognac et de Bordeaux, créé pour De Heeren Van Liedekercke.
CREDIT PHOTO : DYLAN NICOLAS
CREDIT PHOTO : CANTILLON
A noter enfin le fait que Cantillon organise différents évènements dont le but est de partager et fêter la passion commune pour ce style de bière.
Il y a chaque année le Zwanze Day qui est fêté dans de très nombreux pays du monde et qui consiste à se réunir dans un bar précis par pays pour y déguster LA cuvée créée pour l’occasion.
Citons ensuite les Brassins Publics qui ont lieu deux fois par an à la brasserie
Je vous conseille d’ailleurs de lire l’article de l’excellent blog BIÈRE ET LE LOUP à ce sujet.
Citons enfin le festival Quintessence qui a lieu tous les 2 ans à la brasserie et qui réunit d’autres brasseries invitées par Cantillon.
L’occasion d’ouvrir et de partager certaines de leurs cuvées les plus rares.
Il y existe en effet chez Cantillon cette volonté d’échange et de partage omniprésente dans leur philosophie de vie.
Malgré le fait que l’offre ne puisse pas satisfaire la demande, la brasserie s’est toujours refusée à augmenter ses prix de manière déraisonnable.
Lors des jours de mise en vente de nouvelles cuvées, les gens font la queue devant l’entrée et s’arrachent les précieuses bouteilles.
Souhaitant lutter contre le phénomène de spéculation, mais souhaitant continuer à voir leurs bières être dégustées par le plus grand nombre, Cantillon a mis en place des limitations du nombre de bouteilles vendues par personne.
De même pour les quelques mises en vente sur internet qu’ils réalisent chaque année, les conditions sont très strictes afin de limiter au maximum les abus.
Ce qui m’a énormément plu lors de mes visites chez eux est cette humilité et simplicité avec laquelle nos hôtes nous accueillent et nous font découvrir non seulement leur travail, mais également tout ce qui entoure les lambics qu’ils produisent.
Prendre le temps, partager, apprécier, échanger, tout cela prend d’autant plus de sens dans le bar de la brasserie où l’on peut venir déguster leurs délicieuses bières entre amis.
On y trouve d’ailleurs des cuvées rares que l’on peut déguster uniquement sur place pour des tarifs à mille lieux des prix de revente sur le marché secondaire.
Et c’est cela qui m’a le plus plu. Cette volonté de refuser de tomber dans le piège de la spéculation en restant fidèle à ses idéaux.
Ainsi, après notre visite, nous y dégustâmes mon père et moi une Magic Lambic et une Divin Lambic.
Quelques mois plus tôt, j’y avais dégusté une Blåbær et une La Vie Est Belge.
Après avoir repris la route afin de visiter le musée de la BD belge et avoir dégusté quelques délicieux cocktails chez Edgar’s Flavor, nous allâmes dîner au Pasta Madre dont la brasserie Cantillon est copropriétaire.
Les pizzas y sont absolument succulentes et quoi de mieux de déguster une délicieuse bière de chez Cantillon pour l’accompagner ?
Ce fût la cuvée CLAC ! cette fois-ci, après avoir dégusté une Nuit Bruxelloise et une Aronia à la pression quelques mois plus tôt.
La soirée et notre séjour se termina du mieux possible en allant déguster quelques délicieux cocktails chez les copains du Modern Alchemist dont un dont la recette inclut une Kriek Bio de chez Cantillon.
La boucle fût ainsi bouclée !
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