J’avais déjà vu par le passé les cidres et poirés ÉRIC BORDELET chez mon caviste à Rouen « Les Caves Pierre Noble » et je m’étais dit alors qu’il me serait indispensable d’aller à la rencontre de ce monsieur afin découvrir son travail.
Les différentes visites de producteurs de cidre et de poiré réalisées depuis me confirmèrent qu’il me fallait organiser cette visite au plus vite tant le nom d’Éric Bordelet revenait fréquemment dans nos discussions.
Après quelques échanges par e-mail, rendez vous fut pris cet hiver.
Arrivant sur les lieux, 2 magnifiques chiens m’accueillirent de façon joyeuse, mais encadrante.
Leur maître apparu et après avoir discuté de mes souhaits par rapport à mon futur article, nous débutâmes la visite.
Ancien sommelier de renom notamment à L’Arpège (3 étoiles au Michelin), Éric Bordelet reprend l’affaire familiale en 1992 après s’être forgé une solide expérience dans le monde du vin et de la restauration.
Ses parents se sont installés en 1963 en « Normandie Méridionale », comme Éric aime appeler sa région, et plus précisément à Charchigné en Mayenne sur un terroir singulier constitué de schistes (« argelette ») et de granit.
Polyculteurs et éleveurs, ses parents ont remis les terres en friche et produisaient du cidre pour leur consommation personnelle grâce à la cinquantaine de pommiers présents sur leurs terres.
Ces terres, ce sont celles du château de Hauteville, ou plus exactement de ses ruines, car celui-ci fut dévasté par un incendie en 1922.
Ce château est au cœur de la vie et de l‘activité d’Éric Bordelet.
L’habitation, la cuverie et le stockage se situent dans l’ancienne ferme du château et la maison de ses parents se trouvent dans les dépendances.
C’est donc avec patience et passion qu’il décida de le restaurer.
CREDIT PHOTO : LA CONFRERIE DES FINS GOUSTIERS
Dès son arrivée en 1992, Éric plante beaucoup d’arbres fruitiers, mais il sait qu’il faudra attendre de nombreuses années avant que leur productivité ne soit au rendez vous.
Actuellement, les vergers s’entendent sur 23 hectares, en biodynamie pour le sol et Label Bio pour les arbres fruitiers.
La récolte se déroule de façon manuelle durant 3 à 4 mois (de Septembre à Décembre) grâce à 16 personnes mobilisées.
Cela permet de ne travailler que des fruits récoltés à bonne maturité et non abimés.
Éric Bordelet cultive une trentaine de variétés de pommes, une vingtaine de variétés de poires et une dizaine de variété de cormes, tout en travaillant actuellement sur le développement d’autres variétés.
CREDIT PHOTO : ERIC BORDELET
Les fruits sont broyés de manière grossière, puis selon la cuvée et le millésime, la pulpe de fruit va macérer ou non.
Celle-ci subit ensuite un pressurage délicat grâce à une presse à bande.
La fermentation se déroule en cuve de manière spontanée grâce aux levures indigènes.
Dans la gamme « Cidre de soif » d’Éric Bordelet, c’est uniquement les variations de sucre résiduel qui définissent si le cidre est doux, demi-sec ou brut.
La mise en bouteille s’effectue sur place de Janvier à Avril et la prise de mousse se fait de manière naturelle et spontanée en bouteille.
Les bouteilles sont ensuite stockées dans les caves du château.
CREDIT PHOTO : LE MURMURE DE LA CAVE
La gamme de cidres, poirés et cormés Éric Bordelet met en avant la notion de millésime et donc de terroir.
Selon ses propres termes, on distingue au sein de la gamme des cuvées « de soif » et des cuvées « gastronomiques ».
À noter la présence de cormé, boisson ancienne produite à partir de cormes, petit fruit à pépins jaunâtre, rouge ou gris selon les variétés.
Ils sont issus du cormier, un arbre fruitier de la même famille que le pommier et le poirier.
CREDIT PHOTO : TOURAINE TERRE D'HISTOIRE
Sidre « Noucelle Vague » 5% : équilibre entre le brut et le demi-sec.
Sidre Tendre 3,5% : cidre doux.
Sidre Brut Tendre 5% : cidre demi-sec.
Sidre Brut 7% : cidre extra brut.
Sydre Argelette 5% : cidre gastronomique composé d’un maximum de variétés issues de vieux arbres dans le but de respecter le millésime.
Poiré 4% : poiré demi-sec.
Poiré Authentique 4% : poiré demi-sec.
Poiré Granit 4% : poiré gastronomique composé d’un maximum de variétés issues d’arbres très anciens dans le but de respecter le millésime.
Cormé 7% : boisson du Maine du XVème siècle produite de manière familiale jusqu’aux années 50, puis produite en respectant le millésime avec les techniques actuelles par Éric Bordelet.
Mistelle de Pommes à Sydre 17% : pommeau de Normandie, assemblage de mout de pomme et de calvados.
Mistelle de Poires à Poiré 15% : même procédé que le précédent, mais avec un mout de poire.
Poiré de Glace 7.5% : poiré réalisé par cryoconcentration.
Perlant : Jus de pomme à Sydre.
Cette magnifique dégustation se déroula dans l'ancienne sellerie, un espace dédié très agréable.
Éric me proposa de déguster d’anciens millésimes de manière comparative avec les dernières cuvées embouteillées d’Argelette (2007 vs 2019), de Granit (2006 vs 2019) et de Cormés (2017 vs 2019).
Cette dégustation exceptionnelle me permit de prendre conscience de l’intérêt évident de laisser vieillir certaines cuvées à potentiel de garde.
J’avais déjà évoqué cela avec d’autres producteurs de cidres qui me disaient croire en ce potentiel.
Cependant, leur production étant assez récente, ils m’avouaient volontiers ne pas avoir encore assez de recul pour pouvoir confirmer ce pressentiment.
Lors de cette visite, Éric me fit visiter les caves du château, totalement propice à la conservation et au vieillissement.
Et quel plaisir d’y découvrir des chais de vieillissement de Calvados !
Ces derniers sont le fruit de la distillation de cidres et de poirés d’Eric Bordelet grâce à un alambic à repasse (double distillation) ambulant du Père Ferrand.
CREDIT PHOTO : ERIC BORDELET
Les eaux-de-vie sont ensuite élevées dans des anciens fûts de vin de chez Dagueneau, Foucault, Chidaine et un peu de fûts neufs.
Ces Calvados ne sont pas encore embouteillés, mais Éric prévoit de ne produire que des millésimes d’au moins 20 ans d’âge afin de pouvoir les sortir brut de fût (sans réduction).
Je reviendrais donc comme promis les déguster lorsqu’ils seront prêts et je m’en réjouis d’avance !
Mille mercis à Éric Bordelet pour sa confiance, sa générosité, son temps et la passion qu’il met dans son travail depuis tant d’années.
Amener le cidre, le poiré et le cormé a leur juste place est un travail ô combien difficile, mais avec patience, rigueur et respect des fruits comme Éric et d’autres producteurs le font, je suis convaincu que les choses sont déjà entrain de changer.
CREDIT PHOTO : ERIC BORDELET
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