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Photo du rédacteurOlivier Scars

VISITE DE DISTILLERIE DE CALVADOS : HUARD

Dernière mise à jour : 21 juil. 2020



J’ai mis beaucoup de temps à rédiger mon article concernant la distillerie de CALVADOS HUARD, car j’ai tellement apprécié le travail et la personne qu’est JEAN-FRANÇOIS GUILLOUET-HUARD que j’y suis allé déjà quatre fois, apprenant et découvrant à chaque fois de nouvelles choses que je souhaitais faire figurer dans cet article.


Je suis allé pour la première fois Caligny (Montilly-Sur-Noireau pour être précis) un jour de Décembre où j’ai malheureusement eu un accident à cause de pluies verglaçantes comme je le raconte dans mon article concernant ma visite des distilleries La Monnerie / Perigault / La Galotière / La Ribaude.


C’est donc avec l’arrière de ma voiture défoncé que j’arrivai finalement chez Jean-François.

Après s’être inquiété de mon état de santé, il me proposa de me remettre de mes émotions en entrant à l’intérieur de chez lui.



Jean-François représente la 7ème génération des Huard, il a pris la suite de son illustre grand père MICHEL HUARD.

Tout d’abord en travaillant avec lui dès 1995, puis seul en 2004.

Le domaine recense 18 hectares de pommiers uniquement hautes-tiges et est composé d’une trentaine de variétés de pomme.



Celles-ci sont ramassées, puis stockées en attendant leur pleine maturité avant d’être pressées par un pressoir pneumatique.


Le moût de pomme ainsi recueilli passe alors 6 à 10 mois dans des cuves à fermentation.





Lors de ma 3ème visite, j’eus la chance de voir Pierre Huet, un bouilleur de cru ambulant (sans rapport avec la maison de Calvados du Pays d’Auge du même nom), en train de distiller avec son magnifique alambic à colonne (indispensable pour l’AOC Calvados).


Déguster cette eau-de-vie de cidre toute juste sortie d’alambic à quelques 72% fût un réel bonheur !



Le domaine possède plusieurs chais de vieillissement plus ou moins secs.





Les chais historiques contiennent les fûts les plus anciens, tandis que le chai le plus récent (et le plus spacieux) contient les fûts neufs.


En effet, Jean-François attache une importance toute particulière à ses fûts de chêne et leurs caractéristiques (taille du grain, chauffe, provenance...), car il sait l’importance qu'ils vont avoir sur ses calvados.








Lors de mes 2 premières visites, j’eus même le plaisir de monter sur son plus grand foudre, puis de sauter de foudre en foudre pour en découvrir le contenu.





Enfin, un chai de vieillissement installé dans un grenier contient quant à lui de nombreux millésimes déjà embouteillés datant de l’époque de son grand-père, ainsi que quelques fûts et dames-jeannes dans lesquelles reposent de l’eau-de-vie de pomme (et non de cidre !) qui donnera une fois embouteillée les fameuses bouteilles de « FLEUR DE POMMIER ».






L’eau utilisée pour la réduction provient d’une source présente sur le domaine et est caractérisée par un pH bas et une contenance très faible en minéraux qui permet de ne pas avoir besoin de la traiter.


Bien entendu, hors de question de tricher pour les calvados Huard.

Aucun ajout de sucre, de caramel ni de copeaux de bois.






Lors de ma 2ème visite, Jean-François nous invita mon ami Jean-Paul et moi à rester tout le week end afin de participer à la création de son nouveau HORS D’ÂGE.


L’idée pour Jean-François était de renouveler cette cuvée qu'il considère comme grand public de par son accessibilité autant en terme de goût que de coût.


Mais pas question de céder à la facilité pour autant !

Au contraire, cette cuvée affiche la volonté d’être irréprochable, car elle se doit de représenter la maison Huard en touchant une grosse partie de sa clientèle.





Après avoir dégusté à même les fûts de nombreux millésimes, notre choix commun à tous les 3 se porta sur le 2012 pour ces notes florales et miellées, le 2007 pour ses notes acidulées et le 2009 pour ces notes prononcées de fruits.


L’art d’assembler est quelque chose d’extrêmement difficile comme je le racontais déjà dans mon article sur notre assemblage à Jean-Paul et moi chez les CALVADOS CHATEAU DUBREUIL.




À une époque où les Single Cask sont tellement en vogue que certaines maisons n’hésitent pas à dénaturer leur intérêt premier (celui de faire découvrir des fûts réellement exceptionnels), à une époque où certains dénigrent le travail d’assemblage imaginant des produits réduits n’importe comment et mélangés dans le but de masquer ou de se débarrasser de certains fûts, je souhaite à mon humble niveau rendre hommage à tous ces maîtres de chai qui font un travail méticuleux et ô combien difficile en créant des cuvées mettant en avant la complémentarité des eaux-de-vie et l’intérêt de certains fûts venus magnifier le produit final.


Après avoir mélangé et laissé reposer 10cl de chacun de ces 3 fûts, nous partîmes manger chez la mère de Jean-François.

Une hôte et une cuisinière hors pair qui nous régala de plats aussi bons qu’authentiques.


Après mangé, nous repartîmes déguster notre assemblage qui avait reposé durant quelques heures.


Le résultat était très encourageant, même si il nous était impossible pour l’heure de dire si il serait toujours aussi cohérent, riche et agréable au bout de quelques mois de fût d’assemblage.




Lors de ma 4ème visite un an plus tard, Jean-François m’expliqua que l’acidité du 2007 avait finalement trop pris le dessus au bout de quelques mois dans le fût commun d’assemblage.


Ne souhaitant pas risquer de perdre du temps et du volume, il avait choisi de retirer le 2007 de l’assemblage, lui préférant le 2013, un millésime au 1er nez très expressif notamment sur des notes très fruitées.



Manquant en volume sur 2009, il ajouta en plus du 2008 qui présente un profil similaire, mais en légèrement plus acide.


Les proportions étaient donc de 25% de chacun de ces 4 fûts : 2008, 2009, 2012 et 2013.




Nous pûmes ainsi déguster ce nouvel assemblage et constater qu'il était encore plus encourageant que la 1ère mouture !


Plus qu’à attendre 3 mois d’homogénéisation dans le fût d’assemblage (un vieux fût de 500 litres) pour être définitivement fixé.






La gamme des CALVADOS HUARD est extrêmement riche et complète.


Au delà du Hors d’âge et de quelques cuvées de ce type, la maison Huard est réputé pour ces millésimes.

Il faut cependant ainsi distinguer ceux d’avant 2004 réalisé par Michel Huard et ceux d’à partir de 2004 réalisé par Jean-François Guillouet-Huard.


Lors de ma 1ère visite après mon accident de voiture, une magnifique dégustation de 1990 à 2008 me permit de constater que le 1994, mais surtout le 2004 étaient absolument exceptionnels.


Étant attaché à mon année de naissance, je répartis avec une bouteille de 1985.


Embouteillant ses millésimes au fur et à mesure et selon la demande, il n’est pas rare de voir un millésime plus ou moins vieux selon sa date d’embouteillage.



Lors de ma 2ème visite et sachant que nous dormions dans un gîte adjacent à la distillerie, la dégustation fût encore plus complète, intense et magnifique allant même jusqu’à découvrir des millésimes des années 80 (dont celui de l’année de naissance Jean-Paul et de la mienne), le 1976 et le 1921, plus vieux millésime de la maison.







Le 1984 est superbe (comme toutes les années en 4 chez Huard finalement on dirait !), le 1976 très bon et le 1921 absolument incroyable.


Ce genre de relique, témoin d’un autre âge et d'un savoir faire tellement différent de maintenant.







Lors de ma 4ème visite, je pus déguster son pommeau vieilli 5 ans, une très belle réussite notamment due au fait que rare sont ceux qui laissent vieillir si longtemps leur pommeau !


Citons tout de même DUCLOS FOUGERAY et leur pommeau 10 ans d’âge et CAPELLE et son pommeau 9 ans d’âge.


Le procédé de conception de cet alcool titrant à environ 18% est de muter le moût de pomme avec de l’eau-de-vie de cidre (un calvados non vieilli en somme), ce qui a pour but d'empêcher sa fermentation.


Le fait de faire vieillir le tout pendant minimum 18 mois afin d'espérer obtenir l’AOC Pommeau de Normandie, va amener de la complexité, de la gourmandise et de la longueur lié à l'impact du bois.


Notons que certains critères en terme de balance sucrosité / acidité, ainsi que la filtration afin d’éviter les dépôts sont indispensables pour obtenir cette AOC.



Voyant mon amour pour cet apéritif, Jean-François me parla de son grand cousin André, ancien producteur de calvados dans le village voisin et qui possède un pommeau de 22 ans d’âge !


Sautant sur l’occasion, je demandai à Jean-François si il pouvait nous organiser un rendez-vous avec son cousin.

Un coup de téléphone plus tard, rendez-vous était pris !


À peine arrivé, André nous accueillit sur le pas de la porte.

Cet octogénaire au regard malicieux et plein d’intelligence nous fit asseoir dans sa cuisine autour de sa grande table à manger normande.


Après nous avoir raconté de très nombreuses anecdotes sur son ancien métier et les spécificités liées à son époque, il nous sorti une des dernières bouteilles de son fameux pommeau de 22 ans.


Il nous raconta d’ailleurs que c’est une rencontre pendant la seconde guerre mondiale avec 2 évadés niortais qui lui permit d’apprendre à faire du pommeau !

En effet, voyant beaucoup de similitudes entre calvados et cognac, les fugitifs demandèrent au jeune André d’alors si il produisait un équivalent de Pineau des Charentes avec ses pommes.


Ne connaissant pas le procédé de fabrication, ils lui apprirent et si tôt dit si tôt fait, le premier pommeau d’André était né !

Celui-ci me confia qu’il lui en restait quelques bouteilles, mais qu’avec le recul il était bon à jeter dans l’évier, car sa maîtrise du procédé de fabrication n’était pas aussi bonne que maintenant.


A la différence de ce pommeau 22 ans d’âge qui est absolument fabuleux !

Un concentré d'aromes de pommes madérisées et caramélisée à excès, de rancio, de pruneau avec une longueur folle...

Un des meilleurs apéritif que j’ai pu déguster de toute ma vie !


Remerciant mille fois mon hôte pour cet immense honneur qu’il me faisait de partager avec moi ce trésor de famille, André m’en offrit une bouteille d’un litre me disant qu’il savait que j’en ferais bon usage.



Durant notre longue discussion tous les 3, je sentis que Jean-François recherchait l’approbation d’André quant à son travail et à ses choix au niveau des différentes étapes de la création de ses calvados.

André était très proche de Michel Huard, le grand-père de Jean-François, et il se souvient parfaitement sa façon de travailler ses calvados.


Il n’est pas simple pour un homme de porter sur ses épaules le poids de l’héritage familiale et de la notoriété créée par celui qui a rendu célèbre les calvados Huard.

Ne pas vivre dans l’ombre de son grand-père tout en honorant sa mémoire, tel est le défi de toute une vie pour Jean-François Guillouet-Huard.

N’aies crainte mon ami, même sans avoir connu ton grand-père, je suis certain que ton travail l'aurait rendu fier. Tes calvados sont au moins aussi exceptionnels que les siens et ton amour pour l’innovation tout en respectant les traditions font de toi l’héritier idéal pour perpétuer la notoriété de votre famille et des calvados Huard.




CALVADOS HUARD 2004 14 ans 40%



Il s’agit donc d’un calvados AOC Calvados 14 ans du millésime 2004 embouteillé à 40%.




La couleur est cuivrée.


Le nez est intense, sur des arômes de pommes caramélisées, d’épices (muscade), de sucre vanillé et d'abricot sec.


En bouche, c’est suave et gourmand, étonnement très complexe pour un calvados approchant des 15 ans.

On retrouve des notes de pomme tatin sortant du four, de cannelle, de noix, ainsi que des notes boisées chaleureuses amenant de la longueur et une superbe finale.



Très belle longueur pour un calvados de 14 ans d’âge.


Un calvados gourmand, complexe et intense qui témoigne de tout le talent de Jean-François Guillouet-Huard, digne héritier de son grand-père : ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

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