Toujours très curieux de découvrir ou redécouvrir les alcools français, je me suis rappelé que la distillerie produisant la célèbre liqueur BENEDICTINE se trouvait non loin de chez moi.
J’avais déjà réalisé cette visite lorsque j’étais enfant, mais à ce jeune âge cette visite avait finalement surtout concerné la découverte du palais qui abrite la distillerie plutôt que l’outil de production de cette liqueur.
C’est à l’occasion d’un concert que je donnai à Fécamp, ville où se situe le palais, que je profitai pour le visiter à nouveau.
Je dois bien avouer qu’il n’était initialement pas prévu que je puisse réaliser cette visite, mais un concours de circonstances me faisant finir plus tôt le travail et donc arriver à Fécamp en avance me motiva.
Sur la route, j’appelai le palais afin de connaître son heure de fermeture.
L’hôtesse d’accueil me répondit que le dernier départ pour la visite était fixé à 17h00, ce qui collait parfaitement à mon timing.
La place sur laquelle se trouve le palais est très impressionnante.
On ressent l’immensité de l’œuvre architecturale qui donne envie de débuter la visite au plus vite.
L’hôtesse d’accueil m’expliqua le déroulement de la visite : une première partie en autonomie avec un dépliant explicatif pour visiter le palais, puis une seconde partie avec un guide pour visiter la distillerie.
Alexandre Le Grand, négociant Fécampois, fit construire un palais en l’honneur de la Bénédictine.
Réalisé par Camille Albert, il est inauguré en 1888 avec pour vocation initiale d’agrandir les locaux devenus insuffisants pour produire la liqueur au volume souhaité.
En 1892, un incendie dévaste le monument, obligeant l’architecte et le négociant à faire reconstruire le palais.
C’est alors un palais encore plus majestueux qui prend vie mêlant style gothique, renaissance et art nouveau construit dans le but de rendre hommage aux moines bénédictins inventeurs de cet alcool.
L’histoire de la liqueur Bénédictine remonte à 1510 lorsque Dom Bernardo Vincelli, moine bénédictin de l’Abbaye de Fécamp, utilise ses talents d’herboriste et d’alchimiste pour en créer la recette.
En 1863, Alexandre Le Grand la redécouvre parmi les objets légués à sa famille par un moine de l’Abbaye forcé de fuir à la Révolution.
Durant un an, il tente de recréer la liqueur grâce à son alambic rudimentaire.
Lorsqu’il finit par y parvenir, il la baptisa « Bénédictine » en hommage à son créateur et sa communauté.
La visite du palais (hors distillerie) est grandiose et instructive.
On circule de pièce en pièce découvrant architecture et objets anciens.
On y découvre des vitraux retraçant l’histoire ancienne et plus récente de la liqueur,
Des statues en l’honneur du créateur de la recette et même la bouteille dessinée sur un des plafonds.
La visite en autonomie se termine dans une aile plus récente où l’on découvre l’histoire de la Bénédictine.
On y apprend également comment cette liqueur s’est imposée mondialement, comme sur cette photographie d’une immense publicité en plein New York.
On y découvre aussi que cette célèbre bouteille a été copiée et contrefaite dans de nombreux pays à une époque où les lois concernant la propriété intellectuelle venaient à peine de voir le jour.
Alexandre Le Grand dépose en France très tôt le nom de la liqueur, la forme de la bouteille, le sceau de l’Abbaye de Fécamp, ainsi que la devise des moins bénédictins « D.O.M » (Deo Optimo Maximo / Dieu très beau et très grand).
Il dépose ensuite ces noms dans les différents pays où les lois pour la défense de la priorité intellectuelle apparaissent peu à peu.
Enfin, on trouve dans cet espace de nombreuses publicités d’époque signées par de grands affichistes.
Dans les années 90, le groupe Bacardi rachète le palais et la liqueur, leur donnant un nouveau souffle en modernisant l’accueil, le bar de dégustation, ainsi que la visite guidée.
Après cette très belle entrée en matière, je rejoignis le point de rendez-vous fixé par le guide où attendait déjà un petit groupe de visiteurs.
Une vidéo de quelques minutes expliquant en préambule les dessous de la fabrication de la liqueur me permit de patienter de manière constructive.
Le point de départ de la visite guidée se situe dans un espace baptisé « Salle aux épices » dans lequel nous est détaillé certains des ingrédients participant à la composition de la recette de la liqueur.
27 plantes et épices sont nécessaires pour l’élaborer, parmi lesquelles l’angélique, la cardamome, la cannelle, le clou de girofle, l’hysope, le genévrier, la myrrhe, la noix de muscade, le safran, la mélisse, le thym, l’écorce de citron, le macis, le thé noir et le capillaire.
L’herboriste italien Ivano Tonuti élabore 4 préparations distinctes d’épices et d’herbes séchées dans son atelier en Suisse, puis les envoie au palais à Fécamp.
À la 1ère préparation va être ajoutée une macération d’écorce de citron durant 6 mois, puis elle va bénéficier de 15h d’infusion dans de l’alcool neutre et de l’eau osmosée.
Cette infusion ne va pas être distillée.
La 2ème préparation va également bénéficier d’une macération d’écorce de citron avec de l’alcool neutre et de l’eau osmosée durant 6 mois, puis va subir une double distillation en alambic.
La 3ème préparation va bénéficier d’une simple distillation en alambic avec de l’alcool neutre et de l’eau osmosée, mais sans infusion ni macération préalable.
Même chose pour la 4ème préparation, mais qui bénéficiera pour sa part d’une double distillation en alambic.
À noter qu’il y a 4 distillateurs au palais et qu’un seul alambic a été changé depuis la création de la distillerie.
En résulte de cette première étape 4 alcoolats à 80% qui vont être mélangés en cuve inox avec brassage.
S’en suit un vieillissement en foudre de chêne durant 8 mois, puis un retour en cuve inox pour y ajouter du miel, du safran et du sirop de sucre afin d’atteindre 320 g / l de sucre.
La réduction permettant de passer de 80% à 40% se fait en chauffant progressivement l’assemblage de 21 à 55 degrés durant 1 mois.
Enfin, le mélange retourne vieillir de nouveau en foudre de chêne durant 4 mois avant d’être filtré, puis de subir un contrôle qualité.
L’embouteillage avait lieu historiquement au palais, mais l’augmentation du volume de production a engendré un besoin de plus d’espace.
La liqueur est désormais transportée en camion citerne jusqu’à une usine d’embouteillage dans le Gard.
Après avoir observé la distillerie, nous découvrîmes les chais de vieillissement.
Le palais en abrite 12, tous remplis de foudres de chêne et situés sous celui-ci dans les caves.
À noter que le vieillissement en foudre n’est pas fait pour apporter des tanins, mais pour homogénéiser le mélange.
À noter enfin que l’on trouve également dans les chais quelques fûts de chêne roux qui sont utilisés pour la cuvée « Single Cask ».
La visite se termina dans une magnifique pièce dédiée à la dégustation des différentes cuvées.
CREDIT PHOTO : PALAIS BENEDICTINE
La gamme BENEDICTINE se compose de :
CREDIT PHOTO : PALAIS BENEDICTINE
BÉNÉDICTINE 40% : l’originale.
CREDIT PHOTO : PALAIS BENEDICTINE
B&B 40% : assemblage de Bénédictine et de Brandy qui est ajouté avant les 4 derniers mois de vieillissement en foudre de chêne.
CREDIT PHOTO : PALAIS BENEDICTINE
SINGLE CASK 43% : assemblage de Bénédictine et de Brandy qui vieillissent ensemble durant 6 mois en fûts de chêne roux.
CREDIT PHOTO : PALAIS BENEDICTINE
1888 42,8% : assemblage de Bénédictine et de Cognac Baron Otard qui vieillissent ensemble en foudre de chêne.
Après cette magnifique visite, je m’assis au comptoir du superbe bar « La Verrière » présent dans le palais.
Très curieux de déguster quelques cocktails à base de Bénédictine, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que ce n’était autre de Julien Escot qui avait créé la carte.
Je suis depuis longtemps le superbe travail de ce mixologue multi récompensé et aux différentes casquettes (patron d’établissements, consultant…).
Actuel propriétaire de l’Aperture à Montpellier quelques années après avoir vendu Papa Doble, j’ai enfin pu le rencontrer au Whisky Live Paris 2021 où son bar avait été reconstitué pour y servir ses délicieux cocktails.
Au programme pour moi : Vertigo, Néo B&B, Soleil Brulant et un Spritz au B&B.
Je souhaite à tous mes compatriotes amateurs de spiritueux d’avoir la même prise de conscience que celle que j’ai pu avoir il y a peu et qui m’a permis de m’intéresser à leur juste valeur aux alcools français dans leur globalité, incluant également ceux qui peuvent paraître quelque peu désuets aux yeux de certains.
Nous avons la fabuleuse chance de posséder un patrimoine d’alcools d’une immense richesse aussi bien en terme de diversité que de qualité et il est, à mon sens, bien plus que temps pour nous autres amateurs de les redécouvrir.
Vous retrouverez toutes les infos sur le Palais Bénédictine sur leur site internet juste ici.
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