La visite de la distillerie jamaïcaine HAMPDEN représente un rêve pour beaucoup de passionnés tant ses rhums sont singuliers et authentiques.
J’ai toujours été fasciné par la Jamaïque et je rêvais de visiter cette île depuis très longtemps.
En tant qu’amateur de musique jamaïcaine (Reggae New Roots et Dancehall en tête), mais également en tant que chanteur d’une musique au très large influence jamaïcaine, il était temps de sauter le pas.
Malheureusement on n'aborde pas un voyage en Jamaïque comme on partirait au Canada.
De nombreux amis n’ont pas vécu que de bonnes expériences là-bas et je ne souhaitais pas y aller à l’improviste.
La violence et le racket des touristes semblent malheureusement toujours exister, nos voisins dans la Guest House où nous séjournions à Kingston en ont d’ailleurs fait les frais.
Toutefois, la fréquence de ces phénomènes semble clairement avoir diminuée, le tourisme étant de plus en plus important sur l’île.
De nombreux amis y allant pour faire de la musique m’ont expliqué que bien accompagné et dans une logique de travail, il n’avait eu aucun problème.
D’autres amis partis en croisière m’ont expliqué que cela ne craignait rien, mais un voyage parqué dans un resort loin de la vraie vie jamaïcaine ne m’intéressait absolument pas.
Toutes ces infos en poche, je décidai de proposer à mon ami DJ Selecta Antwan (TERMINAL SOUND) avec qui je fais de la musique depuis près de 10 ans de faire ce voyage ensemble.
Lorsqu’on part en Jamaïque, il faut accepter que tout peut arriver et qu’il faut se laisser bercer par le rythme jamaïcain.
En effet, notre voyage n’aurait pu plus mal commencer !
En escale à Atlanta, notre vol pour Montego Bay avait été tout simplement annulé !
Soit nous devions dormir sur place à Atlanta et prendre un vol pour Montego Bay le lendemain matin, soit atterrir le soir même à Kingston.
Grâce au numéro de taxi qu’un ami nous avait donné, nous pûmes programmer un transport de Kingston à Montego Bay le soir de notre arrivée.
Arrivant dans la moiteur caribéenne d’une nuit du mois de Décembre, nous ne fîmes pas long feu avant de nous effondrer dans nos lits soulagés d'être enfin arriver à bon port.
Le reste de notre voyage s’est déroulé sans aucun incident majeur, bien que parsemé de nombreux imprévus qui créent de la nostalgie une fois rentré.
Faire du canyoning dans les River Falls,
Déguster un jerk chicken, un ackee & saltfish et tout un tas d’autres spécialités variées et délicieuses aux 4 coins de l’île,
Faire du rafting sur le Rio Grande,
Visiter d’un producteur de café dans les Blue Mountains,
Se baigner dans le Blue Lagoon,
Chiller sur la plage de Negril,
Profiter des Sound System à Kingston jusqu’au bout de la nuit...
En 15 jours, nous avons pu nous faire une belle première impression de cette magnifique île dont les habitants sont aussi francs qu’entiers !
En fréquentant les rumshop plutôt que les clubs, j’ai pu découvrir les habitudes de consommation du rum en Jamaïque.
Le rum blanc est habituellement fort en esters et quasiment toujours à 63%.
Rum Fire, Wray&Nephew, J.B. Rum, Rum Bar... chaque distillerie produit son rum blanc, voire même plusieurs !
Rarement consommé pur, les jamaïcains le préfèrent coupé avec un soft ou un autre alcool :
- Rumpari avec du Campari,
- Rum&Boom avec une boisson énergisante,
- Rum&Juice avec un jus de fruit,
- le classique Rum&Ting avec un célèbre soda au pamplemousse.
Les rums vieux quant à eux sont finalement peu consommés sur l'île et surtout destinés à l'export.
Les jamaïcains consomment surtout les rums vieux Appleton, mais semblent lui préférer le cognac (Hennessy en tête).
Il existe plusieurs distilleries de rum toujours en activité en Jamaïque.
Mon rêve était de visite Hampden et il fut exaucé durant mon voyage.
Il me faudra toutefois retourner sur l'île afin de visiter la distillerie Longpond qui n’avait pas encore reprise son activité, Zan Kong de Worthy Park qui ne vit que trop tard mon message sur Facebook et Appleton qui était en rénovation.
J’avais eu la chance de rencontrer Christelle Harris, nièce du propriétaire et actuellement en charge à la distillerie, à Milan lors des 70 ans de la marque Velier.
C’est donc tout naturellement que je lui écrivis afin d’organiser notre venue à la distillerie.
CREDIT PHOTO : HAMPDEN
Séjournant à Montego Bay au début de notre voyage, Antwan et moi primes un taxi en direction du canton de Trelawny situé au Nord-Ouest de l’île.
Accueilli à notre arrivée par un bien agréable rum punch au Rum Fire (un cocktail des Antilles anglophones ressemblant à notre Planteur), la visite put commencer.
La fondation de la distillerie Hampden remonte à plus de 260 ans, en 1756.
Elle fut rachetée à l’État jamaïcain par la famille Hussey (Everglade Farms) en 2008 en même temps que la sucrerie Longpond.
CREDIT PHOTO : FREDI MARCARINI (RIP) POUR DURHUM
Le domaine comporte 5600 hectares de cannes à sucre, ainsi qu’une magnifique maison nommée Great House datant de la fin du XVIIIème siècle.
CREDIT PHOTO : FREDI MARCARINI (RIP) POUR DURHUM
À l’intérieur de la distillerie, on circule sur des passerelles et des vieux planchers au niveau desquels se situent de part et d’autres les cuves tronconiques de fermentation.
La fermentation dite « longue » dure entre 8 et 15 jours.
Elle se fait de manière spontanée grâce à des levures sauvages présentes sur place.
Malheureusement pour moi, il nous sera interdit de regarder à l’intérieur des cuves.
Heureusement l’année d’après, mon ami Cyril de Durhum put visiter la distillerie avec Luca Gargano, le patron de Velier, et eut accès à l’ensemble des secrets de celle-ci.
Les rums Hampden sont produits à base de mélasse.
Autrefois, cette dernière provenait de la sucrerie rattachée à la distillerie.
Elle est aujourd’hui issue de la sucrerie de chez Longpond, propriété de la famille qui a rachetée Hampden.
Cette mélasse est mélangée dans les cuves de fermentation avec du jus de canne à sucre, du dunder sur lequel nous reviendrons un peu plus tard et de l’eau de source.
Cette eau provient directement des montagnes (Cockpit Valley) situées à plusieurs kilomètres de la distillerie grâce à un système de collecte propre à celle-ci.
Elle est très utile à la fermentation de par le fait qu’elle ne soit pas traitée.
CREDIT PHOTO : FREDI MARCARINI (RIP) POUR DURHUM
Pour en revenir à ce qu’est le dunder, il faut s’intéresser tout d’abord au muck graves situés à l’extérieur de la distillerie et qui correspondent à des fosses dans lesquelles sont déversés des résidus de distillation et de fermentation, le tout étant recouvert de bagasse et laissé en l’état pendant 1 à 3 ans.
Ces composés organiques sont ensuite transférés dans le muck pit qui se trouve dans des canalisations en bois situées sous le plancher de la distillerie.
CREDIT PHOTO : FREDI MARCARINI (RIP) POUR DURHUM
Dans cette fosse sera également déversée régulièrement une partie du contenu d’une cuve qui contient des fruits exotiques en décomposition et qui est alimentée constamment.
CREDIT PHOTO : FREDI MARCARINI (RIP) POUR DURHUM
Le contenu final du muck pit est ainsi donc appelé dunder.
Il permet de lancer la fermentation et est à la base même de la spécificité des rums Hampden dont le savoir faire remonte au XVIIIème siècle.
Le moût ainsi créé grâce, je le rappelle, à la mélasse, au jus de canne à sucre dans une bien moindre mesure, au dunder et à l’eau de source va ensuite se figer avant d’être distiller.
La distillation s’effectue grâce à 4 alambics en cuivre à double retort.
Le plus ancien est un John Dore qui date de 1960 et qui contient jusqu’à 7560 litres.
Il est surnommé « L’Eléphant ».
Le Vendome date lui de 1994 et peut contenir jusqu’à 18900 litres.
Il est installé sur une véranda couverte qui fait face aux champs de canne à sucre entourant la distillerie.
Le Forsyths date de 2010 et peut contenir lui aussi jusqu’à 18900 litres.
Enfin, l’alambic le plus récent date de 2016.
Il a été construit par les sud-africains de TNT et peut contenir là encore jusqu’à 18900 litres.
La distillation dure environ 7 heures au terme desquelles le rum coule à environ 82% de l’alambic.
Selon les réglages, Hampden peut produire des rums légers ou élevés en esters (cf mon article sur HAMPDEN SINGLE CASKS VELIER TASTING).
Les sigles que l’on retrouve sur les fûts sont appelés « marks » et correspondent à des fourchettes de taux d’esters.
SOURCE : DURHUM
CREDIT PHOTO : FREDI MARCARINI (RIP) POUR DURHUM
Le chai de vieillissement se situe à côté du bâtiment principal et contient quelques 2500 fûts de chêne américain ex bourbon.
Aucun ajout de sucre, de bois, de caramel ou autre ne vient troubler ce long processus entièrement sous climat tropical.
Après des années à vendre du rum en vrac sur le marché européen notamment (Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni en tête) où il vieillissait sur place sous climat continental (cf mon article sur le SAMAROLI JAMAICA 1993 21 ans 65,6%) ou bien était utilisé dans l’alimentaire, Hampden décide d’embouteiller et de commercialiser son premier rum en 2011 sous le nom de RUM FIRE.
Ce rum blanc à 63% a rapidement su se faire une place dans tous les rumshop de l’île et même à arriver entre autre sur le marché US.
En 2012, c’est au tour du GOLD de faire son apparition, un rum ambré titrant à 40%.
CREDIT PHOTO : FORGEORGES
Malgré cette nouvelle trajectoire des dirigeants de la distillerie, le processus de vieillissement est un phénomène incompressible.
Il aura donc fallu attendre 2018 et la collaboration avec La Maison & Velier, fondée par l’italien Luca Gargano patron de Velier et le français Thierry Benitah patron de LMDW, pour que soient embouteillés et distribués mondialement les 2 premiers rum vieux Hampden 100% vieillissement tropical.
CREDIT PHOTO : VELIER
Présentés lors de la « Dégustation du Siècle » au Four Seasons à Londres en Septembre 2018, ces 2 rums de 7 ans d’âge ont été embouteillé respectivement à 46% et à 60% (cf mon article sur THE HAREWOOD RUM 1780 LIGHT 69%).
Depuis, il y a eu un nouveau batch de chacun de ces 2 rums, ainsi que la cuvée Great House et 7 Single Casks embouteillés pour des territoires très précis.
CREDIT PHOTO : LE BLOG A ROGER
Ainsi, il est à l’heure actuelle impossible d’avoir un rum Hampden ayant vieilli plus de 9 ans sous climat tropical.
Tous les rums Hampden âgés de 10 à 35 ans d’âge qui existent sur le marché ont vieilli sous climat continental européen.
Notre hôte fut d’ailleurs extrêmement surprise lorsque je lui montrai les photos de bouteilles de Hampden vieillies en Europe et affichant plus de 20 ans de vieillissement !
Dubitative, elle m’avoua n’en avoir jamais entendu parler lorsque je lui expliquai leurs origines.
CREDIT PHOTO : PIETRO CAPUTO
La visite se termina par une dégustation de la gamme classique d’alors (Rum Fire et Gold), ainsi que de 2 single casks, l’un siglé HLCF et l’autre LROK.
Enfin, j’eu le plaisir de revoir Christelle Harris arrivant à la distillerie au moment où nous allions partir.
Cette agréable rencontre me permit d’échanger avec elle afin d’en apprendre d’avantage sur les projets de vieillissement qui étaient alors en cours à l’époque et donc pas encore réalisés.
HAMPDEN 2010 LROK SC THE NEW YORK EDITION 59%
Dernier né de la série des Single Casks Hampden à l’heure où j’écris ces lignes, ce rum est sorti uniquement pour New York, d’où son nom « The New York Edition ».
Millésime 2010, ce rum a vieilli 9 ans sous climat tropical dans le fut unique ex bourbon numéro 327.
Il a été distillé par l’alambic Forsyths et porte le mark LROK qui correspond à un taux d’esters situé entre 350 - 450 esters.
Il a été embouteillé à 59% en 267 exemplaires dans des bouteilles de 75cl comme la loi américaine l’exige.
À noter que ces caractéristiques sont assez similaires à celles du Single Cask numéro 215 embouteillé en 250 exemplaires pour le « Salon du Rhum » belge à 63,2%.
Me procurer les 6 précédents Single Cask n’avait pas été chose aisée (Singapour, Italie, Belgique, Allemagne et 2 en France), mais obtenir cette bouteille sortie uniquement à New York s’annonçait être encore plus difficile.
En effet, réussir à me procurer une des 267 bouteilles disponibles uniquement dans une ville comptant environ 8 millions d’habitants hors agglomération me paraissait très compliqué.
Ceci étant dit, le fait que LM&V ait distribué au préalable un Caroni 2000 uniquement pour les États-Unis me permettait de savoir chez quels cavistes ce Hampden allait être vendu.
CREDIT PHOTO : WHENINRHUM
Christelle Harris avait annoncé sur son compte Instagram la sortie courant Mars de cette bouteille.
Il ne me restait donc plus qu’à préciser cette date de mise en vente afin de ne pas la manquer.
J’écrivis donc à une personne travaillant pour LM&V aux États-Unis qui put me confirmer certains lieux de vente, mais pas la date de sortie.
Elle me précisa d'ailleurs qu’elle espérait que ces bouteilles restent aux États-Unis.
Je me rapprochai alors des deux cavistes que je connaissais.
Le fait d’envoyer un mail à celui à qui je n’avais pour le moment rien acheté et qui avait déjà communiqué sur la présence de la bouteille sur ses étagères ne donna malheureusement rien.
CREDIT PHOTO : KATE PERRY
Pire encore, j’appris que de nombreux européens avaient directement appeler pour réserver par téléphone et qu’ils avaient obtenus satisfaction.
Je n’avais donc visiblement pas été assez ferme dans cette première approche…
Ne souhaitant pas commettre deux fois la même erreur, je contactai le caviste chez qui j’avais acheté le Caroni 2000 US quelques temps au préalable afin de lui réserver la bouteille de Hampden.
Aucune réservation n’étant malheureusement possible, il me fallait me déplacer à la boutique, chose impossible puisque j’étais bloqué en France à cause du travail.
J’appris finalement plus tard que les réservations à priori impossible dépendaient finalement du vendeur sur lequel on tombait puisqu’un ami normand avait réussi de son côté à en bloquer une par téléphone.
Bien que ce caviste disposait d’un site Internet ayant déjà référencé la bouteille en « Bientôt Disponible », je me doutais que cette solution ne serait pas la bonne.
En effet, j’avais beau rafraîchir la page pluriquotidiennement, la bouteille fut notée « Sold Out » quasiment immédiatement après sa mise en ligne…
Ayant la chance de connaître quelqu’un qui travaillait à New York durant cette période, je lui donnai le feu vert pour aller à la boutique acheter la bouteille.
Après quelques ratés dûs au fait qu’elle n’était finalement pas encore arrivée en rayon malgré ce qu’un autre vendeur m’avait confirmé, cette dernière fut enfin récupérée.
Mais c’était sans compter sur la pandémie de Covid-19 qui allait confiner de nombreux pays et fermer leurs frontières...
Il me fallu donc beaucoup de patience avant que cette fameuse bouteille puisse rentrer en France et me parvenir puisqu’elle se trouvait dans une région à l’opposé de la mienne.
La robe est or avec des reflets cuivrés.
Au nez, c’est moins expressif que d’autres LROK déjà dégustés.
On retrouve des notes de fruits exotiques extrêmement mûrs, de tapenade d’olives vertes et un peu de solvant.
En bouche, l’attaque est franche, mais maîtrisé avec ses 59% bien agréable.
C’est tout d’abord assez gourmand avec des notes de bananes très mures, puis de saumure d’olives vertes.
Dans un second temps, apparaissent des notes boisées qui amènent de la complexité et du corps à l’ensemble, évitant ainsi à ce rum de partir dans tous les sens.
Très belle longueur.
Définitivement un des (si ce n’est LE) marks que je préfère chez Hampden dans une version toutefois un peu en deçà du Single Cask embouteillé pour le « Salon du Rhum » belge : ⭐️⭐️⭐️⭐️
Vous aussi laissez vos impressions et rédigez votre propre note de dégustation sur l'application RUM TASTING NOTES ici.
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